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Ce que la laïcité doit aux femmes

Recension de “Ce que la laïcité doit aux femmes”, de Véronique de Keyser, coll. Liberté J’écris ton nom, Centre d’Action Laïque 2022, par Charles Conte.

Le sujet n’est pas ce que les femmes doivent à la laïcité, mais bien ce que la laïcité doit aux femmes. Le sous-titre est tout aussi explicite : « Les voix de l’émancipation ». On reconnaît là le style direct de l’autrice : Véronique de Keyser . Sa vie est une œuvre : psychologue, professeure à l’Université de Liège, autrice d’une centaine d’articles scientifiques, puis députée européenne socialiste de 2001 à 2014, présidente du Centre d’Action Laïque depuis 2021, elle a écrit plusieurs livres dont un avec Stéphane Hessel “Palestine, la trahison européenne”. Elle a reçu le prix du livre politique en 2019 pour « Une démocratie approximative. L’Europe face à ses démons ».

« Ce que la laïcité doit aux femmes » vient de paraître dans la collection « Liberté, j’écris ton nom » éditée par le Centre d’Action Laïque qui fédère les associations laïques en Belgique francophone. En 158 pages Véronique de Keyser rappelle les principales étapes du mouvement féministe en pointant le rôle de militantes dans l’élaboration et la mise en œuvre du principe de laïcité, en Belgique comme en France. Cette recension est accompagnée d’une forme de bilan sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Avec un apport spécifique : le témoignage et les analyses personnelles de l’autrice sont identifiées grâce à des fonds grisés. L’ensemble du livre est scandé en quatre temps : « Je », « Nous » « Elles », « Ailleurs ».

C’est d’abord la question décisive du corps des femmes qui est mise en avant. Le poids du patriarcat est historiquement nourri par les conceptions misogynes des fondateurs de toutes les religions monothéistes. Et c’est souvent leurs partisans que le mouvement laïque doit combattre pour garantir les droits sexuels et reproductifs. Il s’agit d’un « combat principiel ». Il est évoqué tout au long du livre, notamment dans le cadre de l’arène européenne. Ce poids du patriarcat est et reste politique. Les portraits de militantes comment avec celui d’Olympe de Gouges et se poursuit notamment avec celui des suffragettes britanniques.

Les questions culturelles, la façon de percevoir les femmes, la « tyrannie du regard » comme la dévalorisation implicite ou explicite dans le monde du travail et dans la vie en général sont traitées sous des angles spécifiques Ainsi le portrait de Maria Deraismes, première femme franc-maçonne, montre comment le monde de la franc-maçonnerie, parfois conservateur, parfois progressiste, a pu évoluer. Et combien il reste de chemin à faire. D’autres femmes sont moins connues: Isabelle Gatti de Gamond, première fondatrice d’école moyenne pour filles, Isala van Diest, première universitaire et médecin belge, Marie Popelin, première diplômée en droit…
En s’appuyant sur son parcours et de scientifique et d’élue, ses réflexions et des autrices comme Hannah Arendt et Cynthia Fleury, Véronique de Keyser brosse ainsi un vaste tableau d’un mouvement à la fois féministe et laïque en pleine construction et réflexion. Le fondement universaliste – toutes les femmes ont droit aux mêmes droits – est ainsi réaffirmé. Et nous avons à répondre aux critiques postmodernes ou différentialistes en nous appuyant sur les Lumières dont le principe même est celui d’une réflexion libre sur tous les sujets y compris, et surtout, celui du livre.