Dans « Les empires contre-attaquent. Défendre le socle laïque » François Finck nous présente un tableau géopolitique des menaces nationalistes et impérialistes à l’œuvre dans le monde.
François Finck, docteur en droit de l’Université de Strasbourg, a enseigné dans plusieurs universités européennes. Il est aujourd’hui chargé de plaidoyer dans les affaires européennes et internationales du Centre d’Action Laïque en Belgique. Il suit notamment le Réseau laïque européen. Après avoir publié « Les croisés de la contre-révolution », dans la continuité d’analyse géopolitique qui est la sienne, il vient d’écrire « Les empires contre-attaquent. Défendre le socle laïque ». Les deux ouvrages sont parus dans la collection « Liberté, j’écris ton nom ».
C’est l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022 qui est l’élément déclencheur de l’écriture de ce livre. François Finck nous rappelle l’idéologie de Vladimir Poutine, telle qu’il l’a lui-même exprimée dans un texte trop peu connu : « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens ». La politique impérialiste du président de la Russie occupe une place importante dans le livre. Non seulement la guerre se déroule au cœur de l’Europe, mais ce régime est actif dans la déstabilisation des démocraties et dans la construction d’une alliance avec diverses autres autocraties.
François Finck décrit la montée des nationalismes depuis les années 90. La notion de « démocratie illibérale » est un oxymore qui lui semble peu pertinent. Il suggère « autoritarismes électoraux » plus proche de la réalité : il reste une forme de pluralisme politique, les élections sont libres tout en étant non équitables. Des libertés formelles demeurent ce qui les distingue des régimes dictatoriaux proprement dits.
Justifiant le sous-titre de son livre « Défendre le socle laïque », François Finck souligne que ces idéologies nationalistes sont souvent indissociables de la religion. C’est le cas de la Russie où le métropolite Kirill déclare le peuple russe « porteur de Dieu ». C’est aussi celui de la Turquie où le président Recep Tayyip Erdoğan s’est allié aux ultra nationalistes pour opérer une « synthèse turco-islamiste ». Tout comme de l’Inde où Narendra Modi a fondé son régime sur le nationalisme ethnique lié à la notion d’« hindutva » qu’on peut rendre par « hindouïté », identité ethnico-religieuse essentialiste. Le soutien, voire la base électorale de Donald Trump, apporté par les fondamentalistes protestants est de même décisif pour le mouvement MAGA (Make America Great Again).
A la suite de ces constats, François Finck s’interroge : que faire quand les valeurs laïques sont dans la tempête ? Il plaide pour la réaffirmation d’un droit international qui occupe une place centrale dans l’éthique et la méthode laïque. La réforme de l’ONU est un serpent de mer. Elle serait pourtant décisive. L’objectif est de rendre effectifs les buts et principes de l’organisation. Le combat pour la vérité, l’histoire, l’universalisme… est le nôtre. Comment et où trouver les forces de le mener ? En nous-mêmes assurément ! Sans pour autant nous aliéner à des impérialismes plus subtils comme celui des USA. Dans « Les empires contre l’Europe » (Gallimard) , écrit en 1985, Régis Debray s’est investi dans l’analyse géopolitique de la situation de l’époque du condominium soviético-américain sur le monde. Il montrait que la puissance résidait, au delà du militaire brut, dans ce qu’on n’appelait pas encore le « soft power ». Notre avenir est décidément entre nos mains et rien qu’entre nos mains…
Charles Conte